Preston Tucker et sa voiture révolutionaire, la Sedan

Il a créé en 1948, alors que l’industrie automobile de son pays ne lançait plus de nouveaux modèles, une voiture qui avait des années d’avance technologique.

Les trois grands constructeurs automobile utilisèrent la presse pour lancer une campagne de dénigrement ce qui à amené les actionnaires à ouvrir un procès et l’état à se retourner contre lui. Ils  ruinèrent cette entreprise qui aurait pu changer l’avenir de ce pays, et sauver des milliers de vies. Le procès s’est avéré être sans aucun fondement.

Biographie

Preston Tucker est né le 21 septembre 1903 dans le Michigan et mort le 26 décembre 1956. Il est élevé par sa mère (son père meurt quand il a 2 ans).

Les voitures le passionnent dès l’enfance, il apprend à conduire à 11 ans. A 16 ans il achète des vieilles voitures et les remet en état pour les revendre.
Il travaille comme coursier chez Cadillac. En 1922 il devient policier dans l’espoir de conduire une voiture puissante, mais sa mère fait valoir qu’il n’a pas l’âge légal et il doit quitter la police.
Il a cependant l’occasion d’y découvrir les effets tragiques des accidents de la route sur lesquels il est appelé et en conçoit le désir de voir rouler des véhicules plus sûrs.
Avec sa femme Véra, ils prennent la gèrance d’une station service. Elle y travaille tandis qu’il est employé au montage chez Ford. Ils commence à y vendre des Studebaker, mais le bail cesse après six mois et il retourne un moment dans la police.

Il part à Menphis travailler comme vendeur de voitures de luxe. Son patron deviendra à son tour son vendeur quand l’entreprise Tucker prendra forme.
En 1933 il est vendeur de voitures à Buffalo pour deux ans puis il part à détroit exercer le même emploi avant de s’installer à Indianapolis.

Il y rencontre un constructeur de voitures de course, Harry Miller et ensemble ils fondent en 1935 la Miller and Tucker Inc. Miller meurt en 1943.

Le véhicule blindé de Tucker

En 1937, la menace d’entrée en guerre se précisant, il envisage de construire un véhicule blindé rapide. Il retourne avec sa famille dans le Michigan, à Ypsilanti, une bourgade où il achète une maison et une propriété. Il démarre un commerce de matériel mécanique.
Avec Miller, ils conçoivent un véhicule blindé léger équipé d’une tourelle révolutionnaire à moteur électrique (originellement pour le gouvernement néerlandais). Après l’invasion de la Hollande, il propose le véhicule à l’armée américaine. Celle-ci le refuse l’engin parce qu’avec une vitesse de 185 km/h, il n’entrait pas dans le cadre des spécifications requises, il était trop rapide!
Cependant la Tucker Turret (Tourelle Tucker) intéresse la Navy puis l’aviation, et fera sa fortune.
On la retrouve sur des bateaux et sur les B-17 et B-29.

Higgins et Tucker

En 1940, dans sa boutique du Michigan, il fonde la Tucker Aviation Corporation et conçoit un avion de combat, le Tucker XP-57,  qu’il propose à l’armée. Mais il manque de moyens pour finaliser le prototype.
En 1942 il revend l’entreprise à un constructeur de bateaux et la famille part en Louisiane ou il travaille pour l’acquéreur. Celui-ci le décrit comme le plus grand vendeur au monde.
Il retourne dans le Michigan en 1943 avec un nouveau projet en tête.

La Tucker Sedan

Tucker 48 Sedan

En effet, l’industrie automobile était en stagnation, le public attendait de nouveaux modèles, ce dont profitèrent de petits constructeurs comme Studebaker, et Tucker pensait aussi profiter de cette opportunité.
Ce sera le début de son combat contre les trois grands: General Motor, Ford, et Chrysler.

En décembre 1946, le magazine Science Illustrated présente le modèle imaginé par Tucker (qui n’a rien à voir avec la Sedan ci-dessus).

Il fait appel à un designer et en mars 1947, une page de publicité apparaît dans de nombreux journaux pour présenter la nouvelle conception. Son projet de voiture est révolutionnaire.

Présentons d’abord les innovations qui seront abandonnées dans le prototype:

Puis celles qui seront  effectivement intégrés, dans les 50 modèles produits:

Il fonde la Tucker Export Corporation dans le but de vendre le véhicule et engage des personnes bien établies dans le monde automobile, et ayant travaillé pour les grands constructeurs.

L’état met à sa disposition le plus grand édifice d’assemblage au monde, un surplus de l’armée ayant servi à construire les super-forteresses B-29 durant la seconde guerre (il ne sera jamais utilisé).
En contrepartie il doit construire 50 véhicules à une échéance donnée.

Il amasse ensuite des fonds auprès du public en émettant des actions et auprès des concessionnaires qui versent une avance. En 1947 il dispose de 17 millions de dollars.

Il utilise un moteur d’avion pour propulser la voiture et rachète même en 1947 le constructeur Aircooler Motors pour 1,8 millions de dollars.

Il engage 1900 employés et signe des contrats avec 2000 concessionnaires. Tucker est prête à produire en masse la Sedan.

La première difficulté survient lorsqu’on lui refuse un approvisionnement en acier, apparemment sous l’influence des trois grands. Le film de Coppola prétend que ce problème d’approvisionnement a été résolu par Howard Hughes.

Le procès Tucker

Tucker sera victime d’un scandale qui lui est totalement étranger. Le constructeur Kaiser-Frazer qui avait reçu des millions de dollars pour construire une voiture les avait dépensé pour un tout autre usage. Le SEC s’intéresse alors de près aux nouveaux constructeurs automobile, Tucker y compris. Par ailleurs, le sénateur Homer Ferguson, lié aux trois grands va oeuvrer à sa perte.

Sans doute parce qu’il craint une enquête, Harry Aubray Toulmin, un des dirigeant de Tucker Export quitte le directoire et écrit un lettre de dénonciation à la SEC. Il y écrit que la voiture ne roule pas et qu’il ne sait pas si elle le fera jamais et présente Preston Tucker comme charmant, mais inexpérimenté.

Le journaliste Dear Pearson de son coté écrit un article incendiaire sur le projet, affirmant que la voiture ne possède même pas de marche arrière et que le prototype est construit à partir de pièces récupérées dans les décharges.
Bien que Tucker ait corrigé ces fausses allégations, les actionnaires et concessionnaires affolés ouvrent un procès pour récupérer leur argent.

Le procureur Otto Kerner lance une investigation en février 1949. Un juge fédéral met l’entreprise sous tutelle en mars 1949 et les dirigeants sont inculpés sous le motif de fraude et conspiration.

D’autres articles paraissent contre Tucker, notamment dans le Reader Digest.

Le procès commence le 4 octobre 1949 et l’atelier est fermé alors que seules 37 voitures sont construites. Mais 300 employés décident d’y retourner pour fabriquer les 13 modèles manquants,  sans salaire.

Il apparaît durant le procès que bien que  l’on reproche à Tucker de n’avoir jamais eu l’intention de produire une voiture, la fabrication était prête à commencer et en fait seules les actions de la SEC et le procès l’a en fait contrariée.

Le juge alors demande à la SEC de prouver l’existence d’une fraude, et les allégations de détournement de fond se sont alors avérées fictives.
Le défense ne veut même présenter aucun témoin puisque estimant que le témoignage de la SEC étant démonté, l’accusation n’en a aucun elle-même.
Tucker invite les membres du jury à essayer une des 8 (et non 50 comme dans le film) voitures Tucker Sedan garées dans le parking du tribunal.

Le 22 janvier 1950, le jury le déclare non coupable.

Epilogue

Tucker est néanmoins ruiné. L’état lui a repris l’usine, les concessionnaires veulent récupérer leurs avances et il n’a plus les moyens de construire aucune voiture.

Il a un projet de fabrication de voiture au Brésil, mais on lui diagnostique un cancer du poumon. Il meurt officiellement d’une pneumonie liée au cancer, mais selon Alex Tremulis, qui a dessiné la Sedan, la vraie cause de sa mort est le chagrin.

Sur les 51 Tucker Sedan produite (avec le prototype), une quarantaine sont toujours en état de rouler. Elles sont bien sûr devenues des modèles de collections à la valeur inestimable.

En 1965, l’avocat Ralph Nader écrit un livre dénonçant le manque de sécurité des voitures américaines. General Motor engage des détectives privés pour le surveiller et trouver matière à le discréditer. Nader poursuit la compagnie pour invasion de la vie privée et obtient 284 000 dollars de dommages et intérêts.

Les actions Tucker sont devenues des pièces de collection également, valant beaucoup plus que leur valeur originelle ce qui fait que les actionnaires n’ont rien perdu finalement.

Le journaliste véreux Drew Pearson qui a lancé la polémique contre Tucker est mort en 1969 d’un infarctus du myocarde.
Il disait: « Je fonctionne juste avec le sens de l’odorat: si çà sent mauvais, je me met au travail. »
Le problème avec les odeurs, c’est qu’on ne sent jamais la sienne.

Le procureur Otto Kerner qui voulait faire croire à un détournement de fond a lui même été arrêté et condamné à trois ans de prison en 1974 pour de multiples motifs dont parjure, conspiration et fraude financière. Il a été le premier aux USA.